« La bohème » à Dessau

L’ère glaciaire dans la ville du Bauhaus : Christian von Treskow présente une « La bohème » glaciale au Théâtre Anhaltique de Dessau. Sous la carapace de neige et de glace, il ne reste que peu de place pour le rouge chaleureux de l’amour. 

Il fait un froid de canard dans cette nouvelle production. Dans un espace hexagonal et aéré au premier étage, accessible uniquement par un escalier en colimaçon et sur pilotis dans le style Bauhaus, qui pourrait être quelque chose entre un phare et une tour de garde (scène Dorien Thomsen), la communauté artistique sans pain autour de Rodolfo, Colline et Marcello vit son rêve d’artiste. Mais la réalité du monde extérieur est bien différente, et le froid fige bien des choses. Comme d’habitude, Schaunard apporte du pain et du vin à la maison, et le drame bien connu de Mimi mourante suit son cours.

Bogna Bernagiewicz (Musetta), Kay Stiefermann (Marcello), Costa Latsos (Rodolfo), Ania Vegry (Mimi), Michael Tews (Colline) and Barış Yavuz (Schaunard); Photo: © Claudia Heysel
Bogna Bernagiewicz (Musetta), Kay Stiefermann (Marcello), Costa Latsos (Rodolfo), Ania Vegry (Mimi), Michael Tews (Colline) and Barış Yavuz (Schaunard); Photo: © Claudia Heysel

Des cristaux de glace, des flocons de neige et des pics de glace projetés sur l’arrière-plan de la scène (vidéos de Luca Fois) soulignent le décor bien adapté au sujet. Et Markus L. Frank, au pupitre de son Anhaltische Philharmonie Dessau, fait lui aussi vivre musicalement cette nuit de Noël hivernale et glaciale grâce à des éruptions orchestrales qui claquent.

S’il n’y avait pas le rouge de l’amour, cousu dans les chauds vêtements d’hiver des personnages (costumes de Bernadette Weber), l’espoir serait déjà mort depuis longtemps. De plus, la scène s’illumine brièvement et globalement de rouge lorsque Colline (Michael Tews avec une basse assurée) chante sa femme.

La crainte de voir la mise en scène sombrer dans le cliché ne dure que peu de temps, car le deuxième tableau apporte un peu plus de mouvement au drame. La scène d’ensemble dans la construction en panneaux OSB avec des lampes à lumière rouge est une fête de Noël à la table des pauvres. On s’amuse beaucoup, notamment parce que Bogna Bernagiewicz (Musetta), avec l’intensité saisissante et l’expressivité vocale de son soprano élancé, sait marquer des points et convaincre dans son aria « Quando m’en vo ». Les chœurs, préparés par Sebastian Kennerknecht et Yuri Colossale, donnent une belle image harmonieuse de cette joyeuse fête. 

Bogna Bernagiewicz (Musetta); Photo: © Claudia Heysel
Bogna Bernagiewicz (Musetta); Photo: © Claudia Heysel

Une idée de mise en scène énigmatique dans le troisième tableau : des lettres surdimensionnées placées dans l’espace, avec lesquelles on ne travaille pas davantage et qui, comme l’atmosphère hivernale en fait intéressante, restent bloquées dans de simples illustrations. Car pour le « paysage des âmes hivernales » si bien décrit dans le programme, il y a tout simplement trop de choses qui traînent. Mimi finit par s’éteindre dans un bleu dégarni et sans joie.

Ania Vegry interprète le rôle avec une grande expressivité et une force d’intonation évidente, qui dépasse aisément toute explosion orchestrale. Bien qu’elle ait tendance à s’aplatir dans les passages dramatiques, les notes douces et retenues sont nuancées et bien senties. Alex Kim, remplacé au pied levé, complète de manière satisfaisante le rôle de Rodolfo, qui, avec une intonation sûre et une expressivité élevée, parvient à remplacer le Costa Latsos prévu, même si les aigus sont un peu moins bons.

Ania Vegry (Mimi), Costa Latsos (Rodolfo); Photo: © Claudia Heysel
Ania Vegry (Mimi), Costa Latsos (Rodolfo); Photo: © Claudia Heysel

Dans les autres rôles, Barış Yavuz (Schaunard), avec le timbre balsamique de son baryton nuancé, et Kay Stiefermann (Marcello), à l’intonation forte, ont été particulièrement convaincants.

À la fin, de nombreux applaudissements pour tous les participants. Autres représentations les 10, 16, 23 et 29.11.24, 26.12.24, 6 et 26.1.25, 22.2.25.